« Au gui l'an neuf »
Claude Casenave. Décembre 2014
Le gui (Viscum album) est une plante d'abord épiphyte aux premiers stades de son développement (c'est à dire qu'elle se sert d'une autre plante comme support, sans rien lui emprunter), puis hémiparasite (quand elle a développé un suçoir qui pénètre la plante hôte et lui prélève seulement la sève brute (eau et sels minéraux) tout en restant indépendante pour la synthèse des sucres, grâce à sa chlorophylle (c'est à cause de celle ci que le gui est toujours vert). Le gui a des feuilles jaune vert, pratiquement sans pétiole, et produit l'hiver des fruits en boules blanches. Les fleurs sont quand à elles très discrètes, mâles ou femelles suivant le pied : le gui est une plante dioïque.
Dans notre région le gui se fixe essentiellement sur les pins, mais c'est une exception par rapport au régions de plaine où le gui se fixe surtout sur les pommiers et poiriers, et les peupliers. Il est en tout cas rarissime sur les chênes. C'est cette rareté qui faisait la valeur du gui cueilli sur les chênes aux yeux des druides gaulois qui le cueillaient, au moment du solstice d'hiver, avec une serpe d'or. Ils disaient en le cueillant « O Ghel an Heu », c'est à dire « que le blé germe ». Cette phrase a été ensuite déformée pour devenir « au gui l'an neuf ». La tradition de s'embrasser sous le gui au nouvel an serait, elle, d'origine germanique.
Le gui est disséminé par les oiseaux, essentiellement la grive draine et la fauvette à tête noire.Ces oiseaux sont friands des fruits du gui, et rejettent les graines dont les enveloppes ont été partiellement digérées avec leurs fientes, rendues collantes par une substance contenue dans les fruits du gui, la viscine. Ce mode de dissémination favorise la germination des graines et leur implantation sur les branches des arbres supports.
Les graines ainsi collées sur les branches vont développer un suçoir qui pénètre les tissus de la plante hôte, et qui va s'aboucher avec les vaisseaux du xylème et dériver vers le gui une partie de la sève brute. Le gui peut alors développer ses rameaux de façon dichotomique, le bourgeon terminal de chaque rameau avortant, alors que se développent à son aisselle deux nouveaux bourgeons qui vont donner chacun un rameau, et ainsi de suite. Cette croissance dichotomique est à l'origine de la forme en boule du gui.
Le gui a depuis l'antiquité été considéré comme porteur de pouvoirs magiques, plutôt bénéfiques pour les animaux, les récoltes, les gens. En herboristerie on l'a utilisé pour soigner l'épilepsie. Plus récemment on lui a attribué, sans preuve convaincante, des vertus anticancéreuses. Plus intéressante est une étude de bonne qualité qui a observé un effet favorable d'extraits de gui sur la qualité de vie de femmes en cours de chimiothérapie pour cancer du sein
( Anticancer Res. 2006 Mar-Apr;26(2B):1519-29.Quality of life is improved in breast cancer patients by Standardised Mistletoe Extract PS76A2 during chemotherapy and follow-up: a randomised, placebo-controlled, double-blind, multicentre clinical trial. Semiglazov VF1, Stepula VV, Dudov A, Schnitker J, Mengs U).
Ceci ne doit pas faire oublier que le gui est une plante toxique et que l'absorption de quelques boules peut provoquer une chute de la tension artérielle et des troubles cardiaques.
Enfin les boules du gui sont à la base de la préparation de la glu qu'utilisaient les oiseleurs pour capturer les grives. Cette pratique est interdite maintenant, sauf dans certains départements du sud-est où cette chasse a été considérée comme faisant partie d'un patrimoine culturel et autorisée par les lois européennes et françaises, avec certaines restrictions.
Cf: http://www.grives.net/glu_historique.html