buisson à l'automne
buisson à l'automne
épines triples et fruits
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fleurs de l'épine-vinette
fleurs de l'épine-vinette

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Cycle de la rouille noire du blé (cliquer pour agrandir)

Arrêté préfectoral (cliquer pour agrandir)
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L’Epine-Vinette (Berberis vulgaris)
Claude Casenave. Décembre 2014



C’est un arbuste épineux pouvant atteindre 2 à 4 m de hauteur. Il est fréquent dans nos montagnes, sur les terrains calcaires.
Le bois, très ramifié est de couleur jaune, recouvert d’une écorce marron.
Les feuilles, ovales et finement dentelées, sont vert clair au dessus et glauques au revers.
Les fleurs, en grappes, sont d’un beau jaune d’or, mais dégagent une odeur douceâtre.
Les fruits, rouges à maturité, en grappes, sont très acides.
Les épines, très pointues, peuvent être simples aux extrémités des branches, mais ailleurs elles ont un groupement par trois très caractéristique. il faut noter que les épines sont en fait des feuilles transformées, destinées d’abord à économiser l’eau, ce qui explique la fréquence des arbustes épineux en climat sec ou désertique. Si l’arbuste est très arrosé et taillé, les épines ne se développent pas et on peut obtenir de belles haies sans épine. Un bel exemple se trouve dans les jardins du prieuré de Salagon.

I -Utilisations :

1) Alimentation :
Les fruits de l’épine-vinette sont utilisés, en France, pour faire des confitures et des gelées. Fermentées avec de l’eau miellée, les baies d’épine-vinette donnent un vin acidulé. On les utilise, aussi, en mélange, dans des tisanes.
Mais c’est surtout dans les pays d’Asie centrale et en Iran que les fruits séchés (appelés zereshks) sont utilisés en cuisine pour colorer et parfumer les plats, en particulier le riz. Voici la recette d’un plat iranien : le koresh aux baies d’épine-vinette

2) Jardins et champs :
 Les buissons d’épine-vinette (et d’autres berberis) se taillent facilement et permettent de faire des haies dont les redoutables épines forment un obstacle très efficace.

3) Marqueterie et teinturerie :
Le bois dur et d’une belle teinte jaune de l’épine-vinette, est apprécié en marqueterie et a aussi été utilisé pour teindre en jaune des tissus.

4) Phytothérapie :

A- En phytothérapie classique on utilise les baies, l’écorce et les racines de l’épine-vinette.

Elles sont réputées avoir une action :
-Fébrifuge (lutte contre la fièvre)
-Stomachique
-Cholagogue (facilite sécrétion de la bile)
-Tonique et apéritive
-Diurétique et hypotensive

Les graines étaient un des constituants du diascordium et du diaprun solutif de la pharmacopée maritime occidentale au XVIIIe siècle. (D’après Maistral, in Yannick Romieux, De la hune au mortier, Éditions ACL, Nantes, 1986). Le diascordium et le diaprun solutif étaient des médicaments électuaires (c’est à dire administrés par la bouche sous forme de pâte). Quant à la pharmacopée maritime occidentale c’est un codex des médicaments que devaient posséder à bord les navires de la Compagnie des Indes Occidentales.


B- Dans la médecine chinoise, l’épine-vinette est également très utilisée comme anti-infectieux et anti-inflammatoire et ceci a conduit à des recherches modernes qui conduisent à des résultats intéressants :
L’épine-vinette produit des alcaloïdes et en particulier la berbérine.

Celle-ci semble avoir une action favorable dans le diabète sucré de type 2, comparable à celle d’un des médicaments les plus utilisés dans cette pathologie, la metformine (ou Glucophage®) (1). Et en plus la berbérine est active sur les dyslipidémies (excès de cholestérol et/ou de triglycérides) (2), fréquemment associées à ce type de diabète, alors que la metformine y est peu active.
La berbérine serait également active pour prévenir les fibroses (cirrhoses) du foie.
On a également trouvé une action favorable dans la défaillance cardiaque, les troubles intestinaux et la dépression.
La berbérine, utilisée en association avec la cyclosporine A accroit le taux sanguin de celle-ci et permettrait donc de diminuer les doses de ce médicament cher utilisé dans le contrôle du rejet des greffes.
Dans certains cancers la berbérine aurait un effet antitumoral. Elle serait également sensibilisante pour la radiothérapie.
On a reconnu également un effet anti-inflammatoire dans les infections par le virus HIV.

Mais à côté de ces effets favorables la berbérine a aussi des effets secondaires néfastes :
Comme toutes les substances actives la berbérine est toxique à forte dose. Par ailleurs elle n’est pas recommandée chez la femme enceinte, car elle a des effets abortifs. Enfin chez le nouveau-né la berbérine accentue les « jaunisses » et aggrave le risque d’ictère nucléaire.(3)

1- Yin J, Xing H, Ye J (May 2008). "Efficacy of berberine in patients with type 2 diabetes mellitus". Metabolism: Clinical and Experimental 57 (5): 712–7.
2 -Holy EW, Akhmedov A, Lüscher TF, Tanner FC (February 2009). Yin J, Xing H, Ye J (May 2008).  "Berberine, a natural lipid-lowering drug, exerts prothrombotic effects on vascular cells". Journal of Molecular and Cellular Cardiology 46 (2): 234–40.

3 - Chan, E. (1993). "Displacement of bilirubin from albumin by berberine". Biology of the neonate 63 (4): 201–8


II - L’épine-vinette et la rouille noire du blé.

La rouille noire du blé est une maladie qui fait baisser considérablement le rendement de cette céréale. Elle a beaucoup régressé dans nos pays grâce à diverses mesures (compréhension du cycle de vie du parasite, obtention d’hybrides résistants). Mais cette maladie est réapparue en Afrique de l’est et s’étend vers le Yémen et l’Iran. Il est probable qu’elle gagnera bientôt l’Inde et le Pakistan.
La maladie est due à un champignon, Puccinia graminis. Le cycle de vie de ce champignon comporte un passage par l’épine-vinette qui lui sert de réservoir :
Le cycle est complexe : Des spores binucléées sont émises à partir du blé infecté, chaque noyau n’ayant que n chromosomes. Ces spores tombent au sol et les noyaux fusionnent donnant des zygotes à 2n chromosomes, qui passent l’hiver dans les chaumes. Puis quand les conditions sont redevenues favorables survient une méiose ramenant le nombre de chromosomes à n par cellule et des spores à n chromosomes se développent et emportées par les vents vont infecter les feuilles de l’épine-vinette. Dans celles ci se développent des filaments à n chromosomes, d’où vont naitre des spores binucléées (n chromosome par noyau) que les vents emportent et qui vont infecter les blés où se développent des filaments à cellules binucléées. Ces filaments donnant naissance à des spores binucléées, le cycle recommence.


La compréhension de ce cycle a conduit il y a un siècle à la destruction de l’épine-vinette en France, sauf dans les zones de montagne où le blé n’était pas cultivé.

III - Un peu d’histoire.

Le cinq mars 1853 le Préfet des Hautes-Alpes a pris un arrêté interdisant l’extraction de l’épine-vinette, pour éviter le ravinement des terrains.
Il ne s’agit pas là d’une mesure de protection contre la rouille du blé. Mais on devait, à l’époque, arracher les buissons d’épine-vinette pour se procurer les racines utilisées en phytothérapie.


Localement, on a trouvé la lettre suivante :

Briançon le 16 septembre 1856


Monsieur le Préfet


J’ai l’honneur de vous transmettre une demande du Sieur QUEYRAS Jean-François de le Roche de Rame, dans le but d’être autorisé à transporter hors du département la quantité de 6000 kilogrammes de racines d’épine vinette qu’il a acheté dans les Etats Sardes. (1)
Rien ne paraît s’opposer à ce que le sieur QUEYRAS obtienne au plus tôt l’objet de sa demande




(1) Etats Sardes: Royaume constitué en 1718-1720 grâce à l’incorporation de la Sardaigne aux Etats Continentaux de la Maison de Savoie qui s’étendait de part et d’autre des Alpes Occidentales.