Le rocher du Ristouras et le torrent de l'Ascension
Le rocher du Ristouras et le torrent de l'Ascension

C’est un des plus gros blocs rencontrés dans un torrent, qui se trouve juste à l’amont de la Chapelle Saint Roch, près du pont qui enjambe le torrent de l’Ascension, permettant de passer du Mas des Bonnafés à Gèro.

Il a une forme de coin avec une partie supérieure en pente qui constituait autrefois une aire de jeux pour les enfants de l’école voisine du Mas des Bonnaffés.

Il est constitué de ce calcaire dur, gris-bleu, qui affleure dans le voisinage en formant, par exemple la falaise de la Balme Longue, toute proche (Âge géologique du Trias, Tertiaire).

Le récit légendaire d’une part et celui historique, ci-dessous, qui évoquent sa majestueuse arrivée est typique de ces phénomènes de « laves torrentielles », boues très fluides tout en étant très denses, aptes à faire flotter de telles masses et à tout détruire sur leurs passages.

Un bloc légèrement plus petit a été filmé dans le torrent de la Ravoire, Tarentaise, emporté comme fétu de paille sur le flot d’une telle lave torrentielle (François Valla, CEMAGREF, # 1970).

En effet, ce Torrent de l’Ascension a l’habitude, vers les mois de mai juin, de recueillir une grande quantité d’eau de fonte, tout le bassin versant étant soumis à un fort ensoleillement ainsi qu’à une pluie diluvienne comme il s’en produisit au printemps 1957, de triste mémoire.

Cette eau abondante entraîne tous les matériaux rencontrés sur son passage : terres, bois et rochers, qui forment une boue dévastatrice. Aujourd’hui, ces phénomènes sont devenus plus rares, non par suite de quelque changement climatique, mais par l’abandon des pratiques agricoles et pastorales, dont on voit bien l’emprise sur les anciennes cartes postales : les collines étaient mises à nu, en parties labourées, très haut au dessus du Villard.

Depuis, la végétation n’a pas tardé à réoccuper tout cet espace désormais en jachère et, en une cinquantaine d’année, elle forme de nouveau une couverture assez dense, stabilisatrice, semblable à celle qu’ont dû entamer nos lointains ancêtres défricheurs.

Tout cela ravirait les agents des Eaux et Forêts d’autrefois, qui pendant un bon siècle ont lutté assidûment contre ces activités locales de déforestation et les dégâts des troupeaux, surtout de chèvres.

Voici deux exposés de ce cataclysme, l’un légendaire et le second historique tirés des écrits qu’en fit le Curé Pascallon, dans le manuscrit du Registre de Paroisse1, rédigé dans les années 1842 à 1849 :

1° - Le conte légendaire, feuillet n° 13 : ... Ici, je dois rapporter une tradition. Le fait paraîtrait en quelque sorte miraculeux, on raconte donc qu'une année qu'on ne précise nullement, il paraît qu'elle est fort éloignée, le torrent de l'Ascension s'étant tout à coup montré formidable au point qu'il menaçait de tout engloutir sur son passage ce qu'il rencontrerait, tout le monde tremblait que la chapelle de Saint Roch ne fût enlevée. Déjà les eaux torrentielles se dirigeaient contre les murs lorsque tout à coup un rocher énorme apparaît dans le lointain, porté majestueusement sur les eaux, il vient se placer sur le bord du torrent, un peu au dessus de la chapelle comme un rempart solide, repousse les eaux de l'autre côté et la garantit d'être emportée. Cet énorme bloc de pierre presque aussi gros que la chapelle est encore à cette même place, on ne peut vraiment pas imaginer que les eaux puissent l'avoir amené de la montagne et fait passer entre les deux roches qui forment les bords du torrent à quelque distance au-dessus de la chapelle. Cependant ce bloc est là, à coté de la chapelle, les mains des hommes n'ont pu l'y placer, il faut donc que ce soit une force plus puissante que la force humaine qui l'ait planté à cet endroit, pour la défense de l'asile de la prière, car c'est un bloc exotique ...

- page 32-33 du même manuscrit, suite à l’observation qu’il en fit à l’époque de l’Ascension, se trouvant près de ce torrent et lutant avec les habitants du village contre l’envahissement des boues :

... C'est une chose épouvantable et admirable à voir, des blocs énormes et en nombre considérable qui vont lentement, entraînés dans le milieu des eaux bourbeuses. Des pièces de bois avec tout leur branchage et leur souche et leurs nombreuses racines qui semblent avoir déserté des forêts. Ordinairement le passage du torrent dure trois heures entre Gièro et les Bonnafeys. Alors les habitants sont les uns d'un côté, les autres de l'autre, avec des crocs et des barres pour aider à l'écoulement et défendre leurs propriétés. Ils connaissent, ces voisins, quelques instants d'avance, à l'aspect de l'eau, que le torrent de l'Ascension va arriver. Cela ne les étonne guère, il ne vient régulièrement qu'une fois par an, on ne l'a jamais vu venir deux. Il est même arrivé ici deux années consécutives qu'il n'a pas paru du tout ...

Louis Reynaud, pour l'Association du Patrimoine de la Roche-de-Rame.

1 - Le Registre de Paroisse, cahier d’une centaine de page à paraître le 11 novembre 2012 disponible auprès de l’Association du Patrimoine de La Roche-de-Rame.